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Alimentation bio et santé
Le marché du bio a pris une ampleur phénoménale car manger bio est idéal pour l’environnement. Mais est-ce aussi vrai pour la santé ?
Les principales caractéristiques de l’agriculture biologique (AB) sont l’interdiction des substances chimiques : engrais minéraux, produits phytopharmaceutiques de synthèse et les OGM en cultures, la limitation des traitements vétérinaires en élevage et une plus grande autonomie de l’exploitation. Les pesticides naturels sont autorisés et peu d’études rigoureuses permettent d’affirmer leurs avantages pour la santé dans la population générale.
L’agriculture bio a qu’une obligation de moyens de production mais pas de résultat et aucune allégation ne peut être faite dans l’étiquetage ou la publicité suggérant à l’acheteur la garantie d’une qualité organoleptique, nutritionnelle ou sanitaire supérieure.
Les données épidémiologiques concernant l'alimentation bio sont complexes car de nombreux facteurs doivent être pris en compte: non seulement ceux portant sur la qualité des nutriments, mais aussi ceux du mode de vie, car manger bio est un art de vivre valorisant le sport et une alimentation plus saine.
Les paramètres relatifs aux modifications dans les modes de culture sont notamment : la température des sols, l'exposition à la lumière, la quantité d'engrais utilisés le moment de la récolte et la teneur en polluants organiques.
Quelle est la valeur nutritionnelle des aliments bio ?
L’ensemble des données montre peu de différences significatives et reproductibles entre la composition chimique des aliments conventionnels (AC) et celles des aliments bio issus des mêmes variétés et à des stades de récolte ou âges comparables.
Les légumes
La teneur en matières sèches des légumes (mais pas des fruits) est parfois un peu supérieure dans le cas de l’agriculture AB, mais cette tendance peut aussi être attribuée à des différents stades de maturité.
Aucune influence significative du mode de production sur la teneur en glucides, protéines, éléments minéraux, oligo-élements, vitamines. Concernant les antioxydants, le mode de production n’influe pas sur les teneurs en lycopène des fruits et des légumes, mais augmente celles des polyphénols (surtout les les flavonoïdes).
Les grains et les graines
La composition des grains et des graines en général est très peu sujette au mode de production. Cependant, les céréales AB sont en général plus pauvres en protides ce qui diminue leur qualité boulangère.
Les teneurs en minéraux, oligoéléments et vitamines sont déterminées par le taux de blutage de la farine et sont indépendantes du mode de production du blé. En élevage bio, les bases de l’alimentation des animaux, notamment des porcs et des volailles, ne sont pas très différentes de celles en AC et les aliments bio pour animaux n’ont pas une meilleure valeur nutritionnelle. De plus, les cahiers des charges AB deviennent plus tolérants et comportent de nombreuses « dérogations en cas de besoin ».
La viande
Quelques différences ont été notées pour la composition lipidique des viandes AB, avec une tendance à une plus faible adiposité et plus d’acides gras insaturés, notamment omega3. Cependant ces différences sont attribuables à la vitesse de croissance plus faible et à l’activité physique résultant de l’élevage en plein air et pour les ruminants à un recours plus large au pâturage. Des animaux élevés en mode conventionnel, dans les mêmes conditions, donnent des résultats similaires.
Le lait et l’œuf
La composition chimique du lait est relativement invariable, à l’exception de certains acides gras qui varient en fonction des apports alimentaires, notamment par l’herbe. Cependant le lait obtenu en élevage intensif à l’herbe, mais non AB, et aussi riche voire plus, en acides gras ὠ3 et caroténoïdes.
Il en est de même pour l’œuf dont la composition ne varie pas sauf pour certains acides gras insaturés et le β-carotène.
Les porcs et les volailles reçoivent une alimentation similaires dans les 2 modes d’élevage, les principaux constituants de la ration étant dans les 2 cas les céréales et les tourteaux de graines oléo-protéiques, complétés par des vitamines et des minéraux.
Les herbivores reçoivent un peu plus herbe, mais pas toujours, en AB.
Sécurité sanitaire des aliments bio
Les principaux constituants stigmatisés des aliments conventionnels sont les nitrates des légumes et les résidus de pesticides des fruits, légumes et céréales.
Les nitrates
La tendance en nitrates de certains légumes (épinards, poireaux, laitue…) aurait tendance à être plus faible en production AB, mais cette diminution n’est pas systématique. En effet, l’accumulation de nitrates dépend de très nombreux facteurs (ensoleillement, température, pluviométrie), en plus de la disponibilité en azote soluble. Il est vrai que l’apport excessif d’engrais minéraux azotés est un facteur déterminant en nitrates, mais pas plus que l’apport de certains engrais organiques rapidement assimilables comme les fientes, les farines de sang ou de viande utilisées en maraîchage bio.
Les légumes apportent 80 % des nitrates consommés et ces nitrates sont suspectés de se transformer en nitrosamines cancérigènes après leur réduction en nitrites dans l’intestin. En fait, la probabilité de réduction en nitrite est faible et ne présenterait un risque direct que dans les cas rarissimes de méthémoglobulinémie, résultant surtout des problèmes d’hygiène du biberon. Quant aux nitrosamines, leur production dans le tube digestif est peu probable, surtout en présence de vitamine C. Les aliments préparés, destinés aux enfants en bas âge contiennent 10 fois moins de résidus que les aliments destinés aux adultes.
L’alimentation courante ne conduit pas à dépasser la dose journalière admissible (DJA), elle-même 100 fois plus faible que la dose sans effet (DSE).
Les pesticides
Ils font régulièrement la une de l’actualité et de la législation.
Les pesticides de synthèse sont interdits en agriculture bio, protégeant la santé des agriculteurs dont l'exposition à de fortes quantités de pesticides est associée à un risque majoré de cancers.
Les pesticides de synthèse sont remplacés par des pesticides naturels (pyréthrines, roténone, cuivre…) dont la toxicité potentielle est toujours en cours d'étude.
Actuellement, la teneur en résidus de pesticides dans les aliments frais est telle que le risque peut-être considéré comme négligeable. L’exposition à ce danger, forte pour les agriculteurs, ne doit pas être confondue avec le risque pour le consommateur qui ingère des doses de l’ordre du million de fois plus faibles.
Pour les enfants en bas âge, la tolérance étant pratiquement nulle, la dose limite de pesticides pour les aliments bruts est bien difficile à respecter qu’ils soient conventionnels ou Bio.
Une étude publiée en France en 2018 (Nutrinetsanté) a montré une association entre alimentation bio et diminution de lymphomes (cancer du système lymphatique) mais ces d’autres chercheurs soulignent le fait que ces résultats demandent à être confirmés.
Les contaminants chimiques
Les engrais sont des aliments des plantes constitués d’éléments minéraux essentiels et non toxiques. Les contaminations chimiques atmosphériques (dioxine, plomb, radionucléides…) visent autant les productions végétales bio que conventionnelles.
En revanche, les produits animaux (lait, viande, œuf) présentent un risque de contamination accidentelle plus élevé en mode AB à cause de l’élevage en plein air, ce qui est le cas des productions labellisées ou d’appellation d’origine.
Dans le cas des herbivores au pâturage, la consommation inévitable de terre augmente l’exposition aux substances déposées par rapport à la distribution de fourrages fauchés. Le risque de contamination chimique des sols par certains métaux lourds (cadmium des phosphates) est aussi plus élevé en cas d’engrais naturels non purifiés.
Tous les aliments, qu’ils soient conventionnels ou bio contiennent des traces de substances chimiques diverses mais pour la quasi-totalité, à des teneurs inférieures aux limites réglementaires. Avec le perfectionnement des dosages, le « zéro » devient de plus en plus petit.
Les mycotoxines
Ces métabolites cancérigènes secrétés par des moisissures qui se développent dans certaines conditions (humidité, température…) constituent un réel sujet de préoccupation.
Leur présence est en fait très variable quelque soit les modes d’agriculture.
Les engrais organiques (fumier, compost) contiennent plus de toxiques que les engrais chimiques.
Les plantes non traitées réagissent à des attaques d’insectes en produisant nombreux métabolites secondaires.
Bactéries, virus pathogènes et parasites
Les produits AB présentent un risque plus élevé de contamination par des bactéries, virus et parasites. La production en plein air des légumes et des animaux augmente la probabilité d’exposition à des vecteurs de parasites et agents infectieux disséminés par les insectes, les excréments de rongeurs et d’oiseaux sauvages.
Certains agents infectieux apportés par les engrais organiques et que le compostage ne permet pas de détruire totalement persistent dans le sol et sont susceptibles d’être transmis aux animaux.
Conclusion
Manger Bio est idéal pour la protection des ressources naturelles et donc pour l'humanité.
Des études de population sur le long terme sont nécessaires pour permettre de faire le lien entre alimentation bio et santé.
Les normes de l'alimentation conventionnelle sont très strictes et doivent rassurer les consommateurs.
Comme le dit Denis Corpet: «Le problème avec le bio, c'est qu'il est difficile de généraliser: selon le produit, on peut aussi bien montrer que c'est meilleur ou que c'est moins bon.»
Réalités ped fevrier 2011
L. Gueguen, directeur honoraire INRA
https://quoidansmonassiette.fr/faut-il-manger-bio-pour-etre-en-bonne-sante-mieux-manger/